Le retour

Après trois jours d’euphorie pendant lesquels je ne savais plus trop où j’étais, je suis donc revenu à un état « normal », mis à part bien sûr tout ce que j’avais « acquis » durant cette expérience. On n’est donc forcément plus tout à fait le même. On connait un nouvel état de conscience de soi-même et des autres, et même si l’on avait plus ou moins une telle conscience avant, elle est beaucoup plus vive et présente dans nos actes de tous les jours. On éprouve le sentiment d’être plus vivant qu’avant, d’être à la fois quelque chose d’unique, mais aussi d’être relié à l’ensemble de la « Création », de l’univers visible et invisible et de ne faire qu’un avec le « Tout ».

Avec le retour à la réalité, la première question qui vient à l’esprit, c’est « qu’est-ce qui m’est arrivé ? ». Une expérience comme celle-là sort totalement de l’ordinaire et je n’avais aucun souvenir d’avoir lu ou entendu quelque chose à ce propos. C’est là que m’est venu à l’esprit le mot illumination. Du coup, je me suis fait la réflexion, que si j’étais né quelques siècles plus tôt, j’aurais été bon pour le séminaire. Heureusement, dans mon cas, je n’étais déjà plus porté sur la religion à ce moment-là !

Avec le temps, tout cela s’est bien sûr un peu estompé, mais il reste le souvenir de l’expérience et surtout la vision, le message perçu pendant cette dernière.

L’énergie, la vibration

L’un des aspects de cette expérience est le ressenti de l’énergie, de la vibration. C’est là encore difficile de trouver les mots pour l’expliquer. Je me sentais comme invincible, ayant une pêche d’enfer (c’est peut-être pas le mot le plus judicieux …), par moments tout mon corps semblait « vibrer » à l’unisson, comme un immense frisson ou fourmillement, comme si chaque cellule, chaque molécule, chaque atome se mettaient en résonance avec tous les autres, comme si chaque infime partie du corps prenait conscience de faire partie de ce corps, au même titre que je me sentais moi-même uni au « Tout ». Et cela a perduré bien au-delà des trois jours qui ont suivi l’illumination.

Assez souvent, par exemple lorsque je me posais un peu pour repenser à ce qui m’étais arrivé, je ressentais une sensation d’ouverture, de circulation au niveau des chakras, principalement, dans mon cas, au niveau du front et du sommet du crâne, et parfois au niveau du plexus. Je connaissais ces sensations pour les avoir parfois perçues lors de séances de sophrologie ou de méditation, mais là encore le ressenti était bien au-delà de ce dont j’avais l’habitude.

Il m’est aussi arrivé plusieurs fois, au moment de m’endormir, alors que je me trouvais dans un état profond de détente de ressentir cette énergie / vibration dans tout mon corps et en même temps cette sensation d’ouverture au niveau des chakras. Cela s’accompagnait d’un fort sentiment de joie, de plénitude et d’infini. C’est une sensation que je n’avais jamais ressentie auparavant.

Cette dernière sensation s’est malheureusement arrêtée après qu’une de ces expériences vibratoires ait tourné bizarrement : me trouvant dans cet état, j’ai ressenti une sensation étrange, comme quelque chose qui se serait écoulé en moi, partant du sommet du crâne. Cette sensation n’était pas, à proprement parler, désagréable, mais elle n’était pas non plus agréable comparé au ressentie global. En fait, cette sensation de « remplissage » a plutôt été rapide et d’un coup est devenue angoissante sans aucune cause perceptible. Je suis alors immédiatement sorti de cet état de conscience modifiée en me redressant et en ouvrant les yeux, gardant quelque temps ce sentiment d’angoisse.

Malgré cela, il m’arrive encore aujourd’hui de retrouver un état de plénitude « presque » similaire (moins puissant, moins profond) pendant des séances de sophrologie ou en écoutant de la musique.

Les rêves

Un des autres aspects frappants de cette expérience est d’avoir fait, dans les quelques semaines qui ont suivi, des rêves qui étaient plus que de simples rêves. Je veux dire en temps normal, lorsque l’on se réveille, si par chance, on se souvient du rêve que l’on était en train de faire, en général le souvenir qui nous en reste est peu persistant, et l’est même d’autant moins que le rêve était insolite, décousu. À l’opposé, certains rêves que j’ai faits à pendant cette période étaient loin d’être farfelu et au travers d’une symbolique certaine, ils semblaient transmettre un message particulièrement fort. Qui plus est, le souvenir en était très persistant comme si j’avais « vécu » ces rêves. Ils sont restés gravés dans ma mémoire, même des années après. Le premier d’entre eux a été particulièrement fort, en voici un bref résumé :

« Le ciel était chargé de lourds nuages noirs, les gens semblaient se précipiter vers un bâtiment imposant au bord d’une mer déchainée. Le bâtiment attirait toute la population comme un phare, un refuge dans l’obscurité, bien que ce dernier ne possédât que quelques toutes petites lucarnes éparses sur des murs mastoc (un peu comme un blockhaus). Je me dirigeais à l’opposé de cette foule et me retrouvais bientôt sur une route, gravissant une montagne, chevauchant un âne. J’étais assis sur une selle, mais celle-ci me posait quelques soucis, car elle était mal harnachée, rendant mon équilibre précaire. »

Et je me suis réveillé.

Les autres rêves bien que très différents, avaient tous cette trame de fond semblant signifier : tu t’engages sur une voie qui n’est pas celle de tout le monde.

La Foi

L’un des aspects de la religion est la Foi, qu’on a bien souvent réduite à la croyance inconditionnelle à ce qui est allégué par les textes « sacrés » et les serviteurs de la Foi. Pour moi, la Foi a pris un aspect différent suite à l’expérience. Elle se rapporte maintenant à l’acceptation du savoir que m’ont apporté cette expérience et la prise de conscience immense qui l’a accompagnée. Ce qui n’est pas forcément plus simple, malgré le fait que bien des choses me semblent maintenant acquises intellectuellement, sans nul besoin de m’astreindre à croire.

Mais avoir cette vision des choses en tête et être à même de vivre pleinement les notions qu’elle véhicule dans chaque geste du quotidien, sont deux choses très différentes. C’est donc dans l’acceptation et l’intégration de tout cela dans mon expérience de vie que la Foi prend maintenant toute sa dimension et sa difficulté. Même s’il m’a semblé à plusieurs reprises avoir été à la limite où l’on peut basculer dans la Foi la plus totale, proche d’un état totalement libérateur de l’être, où l’on passe de l’humain au divin instantanément. Il me semble que cela est possible, bien que les quelques personnes avec qui j’ai évoqué cet aspect aient toutes été d’un avis contraire, prétendant que l’on ne peut avancer que petit à petit sur le chemin du divin.

Le doute, la dépression

L’un des aspects important de cet après, plus négatif celui-là, est le doute. Plusieurs mois après, avec le recul et aussi avec toutes les questions que cet évènement a forcement apportés, il s’est invité dans mes réflexions profitant d’une période de dépression due au choc de l’expérience. La première grosse crise de doute est arrivée d’un coup avec cette question « n’ai-je pas tout simplement pété les plombs ? ». Cette interrogation est revenue régulièrement pendant plusieurs mois. Il faut reconnaitre qu’un tel évènement n’est pas anodin pour la santé psychique. En fait, je ne le souhaite pas à quiconque, car le raz-de-marée intellectuel qu’il provoque demande un énorme contrôle de soi. La remise en cause de bon nombre de notions ne se fait pas sans un certain bouleversement psychique.

Mais d’un autre côté, il est évident que cela sera vécu différemment pour chaque individu en fonction de sa personnalité et de ses croyances et que de toute façon il est à peu près certain qu’un tel événement n’arrive pas par hasard. Par exemple dans l’article que m’a lu ma sœur, la personne qui relatait son expérience semblait l’avoir très bien intégré dans son vécu de catholique pratiquant.

J’ai pu gérer cette phase dépressive sans trop de problèmes et j’en suis sortie d’autant plus rapidement que j’ai su en reconnaître très vite les symptômes, suite à l’expérience d’une grosse dépression que j’avais vécue plusieurs années auparavant. Mais dans mon cas, étant du genre à vouloir tout comprendre, cela m’a quand même valu quelques difficultés d’intégration. Aujourd’hui encore, je n’ai pas le sentiment d’avoir tout « digéré ». Et de temps en temps, dans les périodes où mon moral est un peu en baisse (quel qu’en soit la raison), le doute remonte à la surface. Et c’est un ennemi pernicieux, car a contrario de la parabole du grain de sénevé, aussi infime puisse-t-il être, il est capable de saper des pans entiers de votre être spirituel et de votre Foi. Il faut surtout bien prendre garde de ne pas le laisse s’installer.

Heureusement il ne tient jamais longtemps, car le souvenir de l’expérience elle-même et les sentiments de vérité, d’absolu, de perfection, ressentis pendant cette dernière, restent si fortement ancrés en moi, qu’ils finissent par balayer toutes formes de controverses, même si je n’ai rien de tangible pour me prouver que ce qui m’est arrivé a vraiment été.

La dualité

Oscillant entre Foi et doute, je ressens en moi, maintenant bien plus qu’avant, une dualité entre la partie pleinement consciente et « acceptante », et la partie attachée à une vision plus terre-à-terre, en proie au doute, manipulé par mon ego, cet aspect de moi ayant une peur panique de s’évanouir, de disparaitre s’il se laissait entrainer totalement dans cette acceptation des choses.

Cette dualité apparaît aussi parfois dans mes propres réflexions sous la forme de pensées que j’attribuerais à mon moi « supérieur » en opposition aux pensées habituelles issues de mon moi de tous les jours. Cet état de dualité de pensées entraine différents états contradictoires, oscillant entre, l’admiration de la justesse, la richesse et la grandeur de ces pensées que j’aime à attribuer à celle du « Maître intérieur », la frustration lorsque me laissant entrainer au jeu des questions-réponses entre mon ego et mon moi supérieur, il arrive que ce dernier s’évapore subitement lorsque l’échange devient trop poussé ou inversement que c’est moi qui « raccroche » sous la pression des évidences dérangeantes assénées par le Maître intérieur, et parfois, surtout au début, la peur d’un effet psychotique dû à l’expérience, heureusement vite oublié grâce à la perception intuitive que l’autre, ce Maître intérieur n’est bien qu’un autre aspect de moi-même, mais libéré des contraintes et des peurs de l’ego et ayant une vision parfaite et juste des choses.

Je sais au fond de moi que c’est dans cet aspect de notre véritable nature divine que nous devrions tous essayer de nous re-connaitre, pour arriver à une espèce de fusion de notre moi humain et de notre moi divin, abolissant ainsi toute forme de dualité. Il me semble manifeste que c’est maintenant l’étape suivante de l’évolution de la conscience.